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Le crime de l’Orient-Express

J’avais envie aujourd’hui de parler d’un grand classique de la littérature policière. Un livre qui m’a marquée la première fois que je l’ai lu, adolescente. Qui continue d’ailleurs de me faire voyager encore et toujours. Vous l’avez sûrement déjà lu, peut-être à l’école, ou du moins avez-vous peut-être déjà vu une adaptation télévisée ou au cinéma. Alors, je vous l’avoue, j’ai quelque peu hésité à écrire cet article. À quoi bon parler d’une histoire que tout le monde connaît ? D’autant plus que je vous avais déjà écrit une chronique à propos d’un livre d’Agatha Christie ici. Mais, partant du principe que les grands classiques sont parfois ceux que l’on connaît véritablement le moins, j’ai persisté (ne m’en voulez pas trop 😉). Et, afin tout de même de varier, je ne me suis pas intéressée uniquement au roman, mais également à ses principales adaptations ainsi qu’à son influence pharaonique dans la culture populaire. Bonne lecture !

Le roman

Je m’en vais tout de même avant tout vous résumer l’histoire. Le célèbre détective belge Hercule Poirot vient tout juste de régler une importante affaire à Alep. Il espère enfin pouvoir s’accorder quelques jours de vacances bien méritées dans la ville. C’était sans compter évidemment sur la masse de travail qui l’assomme habituellement – qui n’a jamais été détective ne peut pas comprendre. En effet, à peine a-t-il le temps de déposer ses bagages qu’un télégramme lui parvient de Londres : on l’y attend d’urgence. Afin de rentrer rapidement au pays, une seule solution : l’Orient-Express. Ce train grandiose et luxueux capable de rallier Stamboul à Calais en seulement quelques jours. Je vous mets d’ailleurs plus bas dans l’article de plus amples informations à ce sujet pour ceux d’entre vous qui, comme moi, ont les yeux qui brillent devant ce genre de machines.

Dans le train l’emmenant à Stamboul, d’où démarre l’Orient-Express, Hercule Poirot fait la connaissance de Mary Debenham et du colonel Arbuthnot. Ces deux-là prétendent mordicus ne s’être jamais rencontrés avant, et pourtant Poirot surprend entre eux une conversation qui laisserait supposer tout l’inverse. Son intrigue grandit encore lorsque, une fois arrivés, il découvre que tous deux feront le reste du voyage avec lui. Tous les compartiments sont d’ailleurs occupés, ce qui est curieux en cette saison. Peu importe, le périple peut maintenant commencer. Et l’Orient-Express démarre.

Comme le fait remarquer Poirot à son ami Monsieur Bouc, directeur de la société des Wagons-Lits, il y a là à bord de ce convoi des gens de tous âges, de toutes nationalités et de tous caractères. Et tous ces gens, l’espace de quelques jours, vont manger et dormir sous le même toit. Parmi les passagers, se trouve un dénommé Ratchett, un Américain à l’air important qui se déplace en compagnie de son secrétaire, Hector MacQueen. Si son allure générale dégage plutôt une impression agréable, le détective ne manque pas de remarquer ses petits yeux cruels. Lorsque Ratchett lui confie donc craindre pour sa vie et lui demande d’assurer sa protection, Poirot refuse poliment : « Pour tout vous dire Monsieur, votre tête ne me revient pas. ».

Or, il se trouve que, la nuit même, Ratchett est sauvagement assassiné par arme blanche. Douze coups de couteau dans la poitrine, qui semblent étrangement avoir été portés par plusieurs personnes différentes. La porte du compartiment était verrouillée de l’intérieur. L’assassin est forcément l’un des passagers. Pour ne rien arranger à la situation, le train est bloqué par la neige en pleine Yougoslavie, ce qui rend l’intervention de la police impossible. C’est donc dans ces conditions que l’enquête du célèbre détective Hercule Poirot commence.

Très vite, il se rend compte que certains indices présents sur le lieu du crime sont pour ainsi dire trop beaux pour être vrais. Cela semble en effet impossible qu’un assassin commette tant de maladresses, comme par exemple oublier son cure-pipe ou son mouchoir à côté du cadavre. Les interrogatoires des différents voyageurs semblent également pipés, comprenant trop de faux-semblants et de contradictions. Mais un petit détail retient l’attention du détective : un petit bout de papier mal brûlé sur lequel figurent ces mots : « Souvenez-vous de la petite Daisy Armstrong »

La suite, je vous laisse la découvrir par vous-même… Agatha Christie réussit grâce à cette intrigue mythique à marquer définitivement de sa plume l’histoire du roman policier. Le livre fût publié pour la première fois en 1934. À cette époque, l’auteure anglaise avait déjà connu le succès, avec notamment La mystérieuse affaire de Styles ou encore Le train bleu (le thème du chemin de fer étant visiblement l’une de ses thématiques récurrentes), mais jamais elle n’avait atteint ce niveau de popularité.

Adaptations

Nombre de réalisateurs s’inspirèrent de l’histoire, autant pour la télévision que le cinéma. Récemment, c’est Kenneth Branagh qui adapta le roman sur grand écran, campant lui-même Hercule Poirot. J’ai pour ma part trouvé le film très moyen, pas très fidèle au roman et à l’univers créés par Agatha Christie. Les acteurs me sont apparus peu convaincants, d’un Poirot beaucoup trop intrépide et aventureux, à une Michelle Pfeiffer figée et trop théâtrale à mon goût. Les décors, bien qu’impressionnants, sentaient le fond vert à plein nez. Ce n’est donc pas cette adaptation que je tiens à vous conseiller, bien que la bande-originale vaille le détour.

La réinterprétation de cette histoire qui me semble être la plus juste et la plus fidèle est celle pour la télévision anglaise réalisée par Philip Martin. Dans le rôle du détective, on retrouve cette fois-ci David Suchet, qui est et reste à mon sens le meilleur acteur l’ayant incarné. Je vous recommande d’ailleurs toute cette série, toujours très réussie.

L’Orient-Express

On le sait peu, mais la création de ce train luxueux et devenu mythique qu’est l’Orient-Express revient de droit à un Belge. Georges Nagelmackers, banquier et ingénieur liégeois, a l’idée depuis un moment déjà de révolutionner le domaine du voyage. En 1867, lors d’un séjour aux États-Unis, il découvre les sleeping-cars américains, conçus par l’industriel George Pullman. Technologiquement parlant, ces derniers sont sans aucun doute bien plus avancés, plus rapides aussi, que leurs homologues européens. Cependant, ils sont de l’avis général également bien moins confortables. D’autre part, Nagelmackers découvre les aménagements luxueux des paquebots transatlantiques. Tout ce faste, cette décoration et ce personnel au service des voyageurs l’impressionnent. C’est de cette combinaison des deux que naît l’Orient-Express.

Trajets effectués par l’Orient-Express entre 1921 et 1939

L’Orient-Express, ce train qui en a fait rêver plus d’un. Plus chic que le TGV, plus cher que même l’avion. Dès sa création en 1883, il relie Paris à Vienne, avant que les dirigeants de la Compagnie des Wagons-Lits, enorgueillis de leur succès, décident de voir plus grand encore et effectuent dès la fin de la Première Guerre mondiale quelques changements de parcours. Désormais, ce n’est plus seulement la vieille Europe de l’Ouest que le prestigieux convoi ralliera, mais aussi Budapest, Bucarest, Athènes, Belgrade, pour finir son trajet à Constantinople, l’Istanbul d’alors.

Exemple de menu servi à bord

À cette époque, qui signe donc l’apogée de l’Orient-Express, il n’est pas rare que de nombreux passagers de marque viennent de temps à autre s’y inviter. Parmi les riches et célèbres ayant posé bagages dans l’un de ces compartiments, citons donc le roi des Belges Léopold II, qui avait auparavant contribué à la naissance de la Compagnie Internationale des Wagons-Lits en apportant son soutien à Nagelmackers. Le monarque convie de nombreuses autres têtes couronnées au voyage. L’Orient-Express acquiert donc à cette occasion le surnom de « roi des trains, train des rois ». Parmi les autres passagers notoires, on peut aussi remarquer la présence de Josephine Baker, Coco Chanel, Jean Cocteau, Tolstoï, Ernest Hemingway, Agatha Christie bien sûr (qui y passa même une lune de miel !), Albert Einstein ou encore Sigmund Freud. L’aventurier Lawrence d’Arabie l’emprunta également lors de l’un de ses nombreux périples. Marlene Dietrich y rejoignait certains de ses amants, dont Jean Gabin. Le sultan Abdülhamid II transforma le temps de quelques jours le train en véritable harem pour lui et ses nombreuses femmes.

Après deux guerres mondiales et une guerre froide, force fût de constater que l’Orient-Express avait quelque peu perdu de son panache et de sa renommée. L’arrêt définitif du train est signé en 1977. Néanmoins, en 1982, la société britannique Belmond rachète et restaure une partie des compartiments du convoi d’origine, et propose de faire revivre à ceux qui le souhaitent – et en ont les moyens – l’expérience fastueuse. Le Venise-Simplon-Orient-Express, toujours en circulation aujourd’hui, permet de rallier Londres, Venise et Vérone via Paris, plus rarement Budapest, Berlin, Vienne et Prague. Une fois par an, le train renoue avec le trajet originel en poussant le voyage jusqu’à Istanbul. L’immersion est totale puisque le confort présent à bord est rigoureusement celui de l’époque : ni douche, ni climatisation, ni WIFI, et le chauffage est toujours assuré par d’antiques poêles à charbon.

J’espère que cet article un peu différent de d’habitude vous aura plu et à bientôt ! 🎭