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Césars 2019

C’est le rendez-vous annuel du cinéma français, selon l’expression consacrée. Un cinéma qui, du goût de certains, n’est pas représenté dans son intégralité et dans toute sa diversité, mais un cinéma quand même. Qui se regarde un peu trop le nombril parfois, qui se prend un peu trop au sérieux de temps en temps. Un cinéma qui, ce n’est que mon avis, n’a bien souvent rien à envier à son homologue hollywoodien, comme quoi les petits budgets feraient les grands films. Il ne faudrait tout de même pas confondre cinéma français et Césars du cinéma français.

Bien que j’apprécie cette cérémonie et son côté rassembleur d’une certaine génération d’artistes, mon point de vue est chaque année quelque peu mitigé. Question de goûts et de couleurs peut-être. Si l’académie se fait forte de vouloir récompenser également les comédies et films plus « grand public » et que cela se ressent régulièrement dans sa sélection, les résultats ne suivent souvent pas. L’année dernière, c’est le pourtant joyeux et très réussi Sens de la fête du duo Toledano-Nakache qui était reparti bredouille malgré ses nombreuses nominations. Cette fois-ci, la déception prend les traits du magnifique Grand Bain de Gilles Lellouche. Beaucoup avaient placé espoir en ce film qui, il est vrai, était bien plus qu’une simple comédie, plus profond, plus sensible, plébiscité à la fois par le public et la critique. Certains pronostics le voyaient donc tout naturellement obtenir le César du meilleur réalisateur, voire du meilleur film, qui sait ? Il n’en fût rien. Sur 10 chances de gagner, rien qu’un prix remporté. Seul Philippe Katerine sût tirer son épingle du jeu et décrocher, méritant, le meilleur second rôle. Et ça en valait la peine. Un discours à son image ainsi qu’à celle de Thierry, son personnage dans le film, drôle, touchant et un peu fou.

Pour contrer les critiques réclamant plus de diversité et de comédies aux Césars, l’académie a donc créé depuis l’année dernière le César du public, qui récompense le film ayant attiré le plus de spectateurs en salles. La popularité n’est certes pas un gage de qualité concernant une œuvre, cependant ce nouveau prix traduit bien la volonté des votants de contenter le grand public à moindres frais. Cette année, c’est donc sans surprise Les Tuche 3 d’Olivier Baroux qui eut droit à la distinction. Jolie coïncidence, c’est justement Kad Merad qui était maître de cérémonie, permettant ainsi les retrouvailles entre les deux anciens du duo Kad et Olivier.

Force est de constater que le palmarès global des Césars 2019 fait la part belle aux drames sociaux. Dans le très réussi Les Chatouilles, réalisé par Éric Métayer et Andréa Bescond et (très) largement inspiré de l’histoire de cette dernière, on assiste à la reconstruction par la danse d’une jeune femme abusée sexuellement durant son enfance par un ami de la famille. Le film obtient le César de la meilleure adaptation, ainsi que celui de la meilleure actrice dans un second rôle pour Karin Viard, détestablement parfaite dans son interprétation d’une mère ne voulant rien voir des souffrances de sa fille.

Eric Métayer et Andréa Bescond

Jusqu’à la garde, de Xavier Legrand, raconte quant à lui l’histoire de Myriam, battue par son mari, qui décide de partir et de traduire celui-ci en justice afin de cesser son emprise sur elle et leurs enfants. Léa Drucker, magistrale, remporte pour ce rôle difficile et douloureux le César de la meilleure actrice, tandis que Denis Ménochet, lui, reste bredouille malgré une performance inquiétante qui composait l’un des piliers du film. Quant à Xavier Legrand, si certains s’étonnaient de ne pas le voir remporter le César du meilleur premier, c’est tout simplement qu’il a fait mieux ! Dépassant des réalisateurs aguerris tels que Jacques Audiard, il entre dans le cercle très fermé de ceux qui ont obtenu un César du meilleur film dès leur première réalisation.

En bref

  • César du meilleur acteur : Alex Lutz pour son époustouflante transformation en Guy, ce chanteur à succès des années 60-70, devenu ringard et quelque peu paumé par le monde d’aujourd’hui.
    • César du meilleur scénario original : Xavier Legrand pour Jusqu’à la garde.
    • César du meilleur espoir masculin : Dylan Robert pour Shéhérazade.
    • César du meilleur espoir féminin : Kenza Fortas pour Shéhérazade. Carton plein pour les deux jeunes interprètes de cette chronique marseillaise, choisis par le réalisateur Jean-Bernard Marlin qui ne désirait pas d’acteurs professionnels.
    • César du meilleur réalisateur : Jacques Audiard (et de trois !) pour Les frères Sisters.
    • César du meilleur premier film : Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin.
    • César du meilleur film étranger : Une affaire de famille de Hirokazu Kore-eda. Petite déception de ne pas voir Girl de Lukas Dhont sacré.
    • César du meilleur film documentaire : Ni juge, ni soumise d’Yves Hinant, Bertrand Faivre et Jean Libon. Je vous le recommande très vivement, pour son côté voyeuriste sans être malsain, ainsi que pour le franc-parler et la gouaille de la juge Anne Gruwez.
    • César de la meilleure photographie : Benoît Debie pour Les frères Sisters.
    • César du meilleur son : Cyril Holtz, Brigitte Taillandier et Valérie Deloof pour Les frères Sisters.
    • César de la meilleure musique originale : Romain Greffe, Vincent Blanchard pour Guy.
    • César du meilleur montage : Yorgos Lamprinos pour Jusqu’à la garde.
    • César des meilleurs décors : Michel Barthélémy pour Les frères Sisters.
    • César des meilleurs costumes : Pierre-Jean Larroque pour Mademoiselle de Joncquières.

    Meilleurs moments

    Malgré un Kad Merad pas très fin ni subtil en maître de cérémonie, la soirée a tout de même été ponctuée de quelques bons moments. Le meilleur d’entre eux restera sans doute l’arrivée de Laurent Lafitte, venu remettre le César du meilleur premier film, et qui a déclenché l’hilarité de la salle ainsi que la perplexité des internautes. En effet, son maquillage plus vrai que nature donnait l’effet de chirurgie esthétique pour le moins abusive.

    Cette soirée fût aussi celle des hommages avec celui bien entendu destiné à Michel Legrand, qui aurait toutefois pu être un peu plus marquant compte tenu de l’envergure de l’artiste, mais aussi avec celui, vibrant, consacré par Eddy de Pretto à Charles Aznavour.

    Et l’on ne peut évidemment pas parler d’une cérémonie des Césars sans parler du César d’honneur. Cette année, c’est le mythique Robert Redford qui était célébré salle Pleyel, ne manquant pas de rappeler dans son discours combien la France lui tient à cœur en tant qu’artiste.

    En espérant que cet article vous a plu, à l’année prochaine pour une autre cérémonie des Césars 🎭

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    Aznavour au cinéma : viens voir le comédien

    La nouvelle est tombée hier, comme un couperet aiguisé qui serait venu trancher net une certaine vision de l’immortalité. Si les hommages en chansons pleuvent, si les mots du poète sont exhumés en masse, si l’on a tous en tête un petit air que même les moins de 20 ans connaissent encore, qu’en est-il du cinéma ?

    Il est vrai qu’aujourd’hui, le chanteur Aznavour a pris le pas sur l’acteur. Et pourtant (je n’aiiiime que toi, et pourtant), le 7ème art était tout autant que la musique l’une de ses premières amours. J’aimerais donc vous proposer ici un hommage un peu différent, basé sur les films et sur la carrière d’acteur de Monsieur Charles, un hommage somme toute assez modeste mais qui me tient à cœur.

    1. Tirez sur le pianiste, de François Truffaut

    En 1960, le réalisateur phare de la French New Wave lui offre le rôle principal de son film. Il s’agit là pour Aznavour d’interpréter un personnage comique, loin de l’image du chanteur sérieux et grave qui lui colle à la peau. Il y incarne donc Charlie Kohler, pianiste de bar timide et sympathique mais ayant quelques démêlés avec des gangsters notoires. C’est d’ailleurs grâce à ce film que l’acteur connaîtra une renommée grandissante aux Etats-Unis.

    2. Le Tambour, de Volker Schlöndorff

    Si ce film et son réalisateur ne vous disent rien, pas d’inquiétude. Je ne les ai pas choisi pour leur notoriété mais bien parce qu’Aznavour y tient un second rôle, aujourd’hui peut-être oublié. Pourtant, ce sera là son premier rôle largement acclamé par la critique, le faisant passer du statut de chanteur qui joue à l’acteur au statut d’acteur véritable. Notons également que ce film, relatant l’histoire d’un petit garçon refusant de grandir sous le régime nazi, obtint en 1980 l’Oscar du meilleur film étranger ainsi que la Palme d’Or du festival de Cannes en 1979 (ex-æquo avec un certain Apocalypse Now).

    3. Les fantômes du chapelier, de Claude Chabrol

    Aznavour y incarne en 1982 le rôle d’un modeste tailleur d’origine arménienne, Kachoudas. Ce dernier tient boutique en face de chez un riche chapelier, Léon Labbé (joué par Michel Serrault) considéré comme notable de la ville. Mais lorsque Kachoudas se rend compte que Labbé est en réalité l’étrangleur de vieilles dames qui terrifie la population et nargue la police, il n’ose le dénoncer, étant sans cesse ramené à ses origines étrangères et à son rang social. Magnifique film de Chabrol, l’une des meilleures adaptations d’un roman de Georges Simenon.

    4. Le testament d’Orphée, de Jean Cocteau

    Il fait dans ce film une brève apparition et est crédité au générique de fin comme étant le curieux. Ce n’est donc pas une œuvre majeure de sa carrière mais ça la résume bien. Le curieux.

    Ici avec Jean Cocteau et Yul Brynner

    5. Paris au mois d’août, de Pierre Granier-Deferre

    Henri Plantin est un simple vendeur à la Samaritaine. Il est contraint l’été de rester à Paris travailler, tandis que sa femme et ses enfants partent passer les vacances dans le Sud. Mais pendant que le chat n’est pas là, même la plus docile des souris danse. Henri tombe amoureux de Patricia, mannequin de mode. Ensemble, ils découvriront Paris au mois d’août.

    Ici la chanson du film interprétée par Aznavour lui-même

    6. Un taxi pour Tobrouk, de Denys de la Patellière

    Durant la Seconde Guerre Mondiale, 4 soldats français réunis par le hasard partent en road movie à travers le désert africain, accompagnés de leur prisonnier allemand avec qui ils finissent par sympathiser. Ce film est bien sûr absolument culte, ainsi que ses acteurs, Lino Ventura, Maurice Biraud, Hardy Krüger, et donc Charles Aznavour.

    Et l’on pourrait continuer longtemps, surtout lorsque l’on sait que Charles Aznavour compte au total plus de 80 films à sa filmographie. Je m’arrêterai là, ne souhaitant pas faire de l’excès de zèle. Un dernier mot : merci Monsieur Charles, merci pour tout, merci d’avoir donné au mot éternité ses lettres de noblesse.